L’affaire Saint Aubin.

Pendant plus d’un demi-siècle M et Mme Saint Aubin n’ont jamais voulu admettre que leur fils avait été victime d’un banal accident de la route. Ils n’ont eu de cesse de faire éclater la vérité.

Les faits

Au matin du 5 juillet 1964 une Volvo immatriculée en Suisse s’encastre dans un platane au lieu dit « les Esclapes » à l’entrée de Fréjus sur la commune de Puget sur Argens.

Jean Claude St Aubin, 22 ans et sa passagère Dominique Kaydash, 18 ans sont tués sur le coup.

Le rapport de gendarmerie fait état d’un accident de la circulation qui vient ajouter deux tués aux 15.000 morts que compte la France d’alors sur ses routes.

Photo : le Bien Public
Les premières questions

M. et Mme St Aubin, des bijoutiers Dijonnais, reviennent sur les lieux et mènent leurs propres investigations. Très rapidement de nombreuses incohérences dans les circonstances de l’accident se font jour.

RTL

C’est le début de « l’affaire St Aubin » qui durera plus de trois décennies, les parents étant persuadés qu’ils sont face à un mensonge d’état couvrant d’une incroyable accumulation d’incohérences, une bavure des services secrets Français.

Le mystère du camion fantôme.
Photo : mai-68-revolution-possible.fr

A commencer par la présence, sur les lieux de l’accident, d’un camion militaire.

Photo : mai-68-revolution-possible.fr

Un témoin, Mohamed Moualkia, a vu le camion dissimulé dans un chemin creux démarrer brusquement pour barrer la route à la Volvo, qui ne peut alors éviter l’accident. Un témoignage gênant que la gendarmerie récuse aussitôt.

M. Moualkia décèdera quelque temps plus tard dans des circonstances mystérieuses, brûlé vif sur son matelas qu’une cigarette aurait enflammé.

Des documents falsifiés

Le registre des heures de présence de l’entreprise où travaille M. Moualkia a été manifestement surchargé de façon à ce que le témoignage ne soit pas recevable.

Le procès-verbal des gendarmes mentionne également une distance de 80 mètres entre le début des traces de freinage et le platane meurtrier : un géomètre assermenté en trouve 193, une distance qui rendait possible un freinage efficace.

La justice déclare la voiture détruite en juin 1965, mais, six ans plus tard les Saint-Aubin reçoivent une facture de 4 500 francs provenant d’un garagiste qui entend être payé pour les frais de gardiennage de l’épave.

Le registre du camp militaire voisin disparaît : un enquêteur le retrouve – redonnant l’espoir au couple, qui espère y découvrir si un camion est sorti au matin du 5 juillet. Mais la page du jour est manquante…

quarante ans de combat
Photo : le monde.fr

Entre 1964 et 1990 il sera rendu 26 décisions de justice. Mme et M St Aubin accusent l’institution judiciaire à la suite de quoi un juge les inculpe pour le discrédit jeté sur la justice et les déclare irresponsables pénalement parce que victimes d’un “déséquilibre”.

En 1981, dix-sept années de procédures disparaissent des greffes du tribunal d’Aix en Provence. Le ministre de la justice, Robert Badinter, charge l’inspection générale des services judiciaires d’une enquête.

Une première victoire : le rapport de 300 pages estime plausible l’implication d’un camion militaire dans l’accident ; mais il réfute toute idée de complot. En passant, il fustige les “légèretés accumulées par une routine judiciaire” qui ont conduit au “calvaire” de “deux malheureux parents”.

La reconnaissance de dysfonctionnements conduit au versement d’indemnités. En septembre 1990, le médiateur de la République intervient pour permettre le versement de 500 000 francs (76 200 euros) censés réparer le “mauvais fonctionnement” de la justice. “Cela nous fait plaisir, mais ce n’est rien à côté de ce que nous avons dépensé dans cette bataille juridique de plus de vingt ans”, réagit Andrée Saint-Aubin, alors âgée de 72 ans.

La vieille dame n’en a pas fini avec l’“affaire”. En 1992, un officier supérieur valide la thèse d’un accident provoqué. Le ministère de la défense dément. Encore cinq ans plus tard, un ancien membre de l’OAS affirme l’implication des services secrets, mais il refuse de rendre publics les documents en sa possession. Les services de Lionel Jospin étudient le dossier et concluent qu’il s’agit de “faux grossiers”. Jean Saint-Aubin meurt en 1994, son épouse Andrée dix ans plus tard, broyés par la mort de leur fils, puis par la machine judiciaire.

Claude Boyer

Une Volvo semblable à celle de Jean Claude St Aubin.
Photo : agoravox.fr

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